Le tournage permet une approche directe et physique de la forme. Le potier place au centre de la girelle une motte d’argile préparée avant de lui donner un mouvement de rotation et en quelques pressions précises de ses doigts, en faire surgir une forme. Aucun espace-temps entre une pensée, aboutissement d’un cheminement spirituel, et le jaillissement d’un faire spontané. Ce processus marque le désir de conférer à l’objet une forme de vérité, et si l’objet ne répond pas à cette justesse, il est détruit.
L’idée d’une intervention volontaire de destruction peut m’intéresser. Elle est particulièrement mise en œuvre pour la série VASE TOURNÈ DÉCHIRÉ : lors du tournage, les doigts étirent finement l’argile jusqu’à son point de rupture, produisant un déchirement du bord.
Inconsciemment, je brutalisais une forme pure par le geste de trop. C’est à ce moment de mon parcours où le concept s’interpose entre le faire et la quête du beau et m’ouvre de nouveaux champs d’explorations.
L’un d’entre eux, la sérialité, s’impose alors. Dans Composition de Dix Vases, la sérialité prend la forme d’une prolifération végétale, 10 vases différents mais de même famille de forme composent un ensemble. Dans cette utilisation de la sérialité, j’amorce mon évolution de l’objet vers la sculpture. Mais j’avais le besoin urgent d’aller plus loin, vers une synthétisation des volumes.
Si le tour de potier me satisfaisait dans l’approche de la ligne pure, l’exercice de répéter manuellement une forme à l’identique ne m’intéressait pas.
J’entrepris la série Vase Construit avec une technique de coulage dans des moules, plus en accord avec le processus et avec l’exigence de rigueur formelle qu’elle nécessitait.
Le VASE TRILOBE 0232 , le VASE TRILOBE 0036, le Vase Trilobe 3724, le Vases Trilobe 3880, le Vase Bilobe 3878… sont construits à partir de sphères tirées du même moule. Le module vient au service de la sérialité, l’idée du geste s’éloigne au profit de celle d’architecture.
M.L.