Après avoir fondé l’atelier de grès à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs de Limoges en 1964, Michel Lévêque y enseigne la céramique pendant 15 ans puis pendant autant d’années à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Bourges. Certaines de ses pièces peuvent être aujourd’hui contemplées au musée Picasso de Vallauris, au musée de la céramique de Faenza en Italie, à la DRAC Centre à Orléans. D’autres ont intégré des collections privées.
-MICHEL LÉVÊQUE, céramiste.
Lorsqu’en 2001 je le rencontre dans un cadre familial, nos échanges s’orientent naturellement sur le terrain de l’art et éveillent très vite ma curiosité. L’homme ne colle ni à l’image qu’on m’avait dressée de lui, ni à celle que je me faisais d’un céramiste. Sa façon d’aborder son propre travail m’intrigue : il y est moins question d’objet que d’espace, la forme est envisagée pour son économie et se valorise souvent par le rythme de ses répétitions. Quant à ses références artistiques, elles sont tournées vers l’abstraction géométrique du XXe siècle, vers les Minimalistes américains ou l’Art Concret, alors que venant d’un « potier » qui jouit du geste et du touché de la matière, on s’attend à d’autres intérêts.
Plus tard, un assemblage géométrique de lattes bois laqué fixé au mur de son séjour attise ma curiosité, Lévêque m’avoue que cette sculpture murale est de son fait .
-MICHEL LÉVÊQUE, plasticien.
Car cette œuvre d’une efficacité plastique immédiate, écho à la quête du beau universel de Mondrian, n’est pas un accident isolé dans un parcours de céramiste.
Depuis maintenant plus de 50 ans, Lévêque expérimente et développe une œuvre abstraite prolifique dans la plus grande discrétion.
A l’exception de quelques commandes publiques d’environnements, dont l’aménagement de la cour de l’école maternelle d’Auron à Bourges, la centaine d’œuvres produites n’ont jamais été exposées, ni même été montrées au delà du cercle intime. Certains artistes n’ont pas d’œuvre, les œuvres de Michel Lévêque n’ont pas encore eu de regardeur. Elles se sont développées dans une forme d’immanence, maintenues dans une virginité originelle qui les rend si singulières à mes yeux. -MICHEL LÉVÊQUE, designer.
Autre particularité de cet artiste, Il échappe aux définitions trop précises en ne compartimentant jamais son activité. L’expérience de la céramique et de ses limites l’a poussé à trouver de nouveaux champs d’expressions sans pour autant renier la terre. Son œuvre de céramiste est en parfaite cohérence avec l’ensemble de sa production artistique sans que la frontière en soit vraiment définie. De même, l’approche de la notion d’abstraction ne s’est pas accompagnée du rejet de l’objet usuel ; au contraire, l’un nourrissant l’autre, il a de fait été poussé sur le terrain du design, avec notamment le service Phi 24 édité par l’italien Franco Pozzi.
Au fil des ans, les questionnements que Lévêque et moi pouvions avoir autour de son travail artistique l’ont progressivement tiré du lieu profond et secret de son développement.
Des expérimentations oubliées, telle que la série des CRATÈRES, sont revenues à la mémoire de l’artiste et ont proposé de nouveaux éclairages.
Dans le même temps, Lévêque a entrepris la restauration de la première série de pièces dont la matière première n’était pas la terre :
LES BARRIÈRES/PERSPECTIVES.
En 2010, la CHARPENTE LIAISON SOUPLE 9141, un tripode métallique d’une envergure de plus de 4 mètres, était remonté 24 ans après sa création sous les regards intrigués des habitants d‘un village breton.
Dix ans après ma rencontre avec Michel Lévêque, j’ai aujourd’hui la chance de participer à « l’activation » de cette œuvre passionnante en réalisant son catalogue raisonné, consultable sur ce site.
Paris le 6 septembre 2011
Nicolas Cappan
Historien d’art & réalisateur